Randonnée : les 14 x 2000m des Bauges

 

Après avoir rallier Annecy à Chamonix en 2021, le trio Aubin, Pablo et Sacha (agrandie avec la présence de Florian et Paul) se retrouvent pour leur pèlerinage annuel du côté des Bauges. Au programme : une bambée pour découvrir les 14 sommets de plus de 2000m qui constituent le massif.

 
 
 

Nims Purja n’a qu’à bien se tenir…

« Encore une idée brillante. Nous revoilà partis sur les pas d'une trace gpx trouvée sur Strava, les 14 sommets de plus de 2000m des Bauges. Cet itinéraire a été réalisé en 14h26 par Aurélien Dunand-Pallaz en 2021. Nous ne partirons pas dans les mêmes conditions, exit l'assistance et le sac de trail, ce sera bivouac et sac de 10kg. 

L'équipe s'est agrandie depuis la traversée Annecy - Chamonix de l'année dernière, il s'agit toujours de Aubin, Pablo et Sacha, mais rejoint par Florian et Paul. »

Sacha Liguori.

Rendez-vous à la gare de Grenoble mercredi 13 juillet en fin de journée, l'équipe s'en va direction Faverge, qui sera le point de départ, afin d'y passer la nuit. Dernière vérification de l'itinéraire et de la météo. Le temps sera très chaud et aucune précipitation annoncée, à l'unanimité, nous décidons donc de nous passer de tente, ce sera nuits à la belle étoile pour les prochains jours.

 

Jour 1 × 4/14

⏱ 11h30
🏃🏻‍♂️ 34 km
📈 3 718 m d+
📉 2 608 m d-

Jeudi 14 juillet. Réveil 5h, c'est parti pour la première ascension, nous atteignons la Dent de Cons (2062m) sans réelle difficulté. Premier changement de route, l'itinéraire prévu est impraticable en raison d'une coupe d'arbres, il nous faut donc continuer sur l'arête afin de descendre plus loin. Les hostilités commencent, il faut désescalader. Sacha n'est clairement pas dans son élément, plus habitué au tartan des pistes d'athlétisme qu'aux salles d'escalade. Des passages assez exposés mais toujours relativement faciles nous attendent tout le long de cette magnifique crête. Nous redescendons dans la forêt de Pontvert par le col de l'Arpettaz.

2ème étape : la montée jusqu'à la pointe de la Sambuy par le refuge de Là-Haut. Après une montée courte bien raide en forêt, nous nous croyons seuls randonneurs dans ce secteur. Et ce, jusqu'à croiser des enfants en bas âge et quelques personnes en tenue de ville pour enfin comprendre que le télésiège de la Sambuy menait directement au refuge. Il est 15h, une pause repas-refuge improvisée s’impose, la journée est loin d'être terminée et les repas s’annoncent bien moins appétissants les jours qui suivent. Nous nous ruons donc sur tout ce qui est disponible : sandwich au bon fromage des bauges, dios, barre chocolatée, tout y passe. La journée continue avec une légère montée, très fréquentée, qui permet d’atteindre le sommet de la pointe de la Sambuy (2198 m)


On en profite pour observer tous nos prochains points de passage (Arcalod, Mont de la Coche, Trélod, etc.)  en commençant par la pointe de la Chaurionde et ses sublimes crêtes. On reprend notre casquette de grimpeur, au grand dam de Sacha, pour attaquer la descente de la Sambuy par le versant Sud annoncée facile mais très exposée. Elle tient bien sa promesse, chute interdite mais aucune difficulté à noter.

L’arrivée semble tellement si proche mais tellement si loin. L’Arcalod n’était pas au programme du premier jour mais nous savons que le faire aujourd’hui nous soulagerait grandement demain. Encore faut-il avoir la motivation et le physique de le faire ce soir.

Après avoir passé la pointe de la Chaurionde (2 173 m) avec une petite pause pour apprécier les paysages autour de nous, on entame une descente express jusqu’au pied de la pointe d’Arcalod (2 217 m) : le choix est unanime, on y montera ce soir et sans les sacs. On sait tous que c’est la dernière montée de la journée et clairement pas la plus dure sur le papier. On se retrouve tous en haut, pas peu content d’arriver enfin à bout de cette première journée !

L’aventure s’annonce dure physiquement et mentalement.

On passe remplir l’eau pour le repas au refuge d’Orgeval (fermé définitivement) avant de se trouver un bon spot pour un rapide repas et une nuit à la belle étoile un soir de pleine lune. Nous en profitons pour revoir le plan et la trace du lendemain. Aubin nous quitte demain soir et aimerait faire une grande partie du tracé, le manque d’eau sur le jour 1 nous a bien calmé, le soleil chauffe bien même à 1700m. Des raisons qui nous poussent à revoir notre itinéraire.

 
 

Jour 2 × 12/4

⏱ 12h15
🏃🏻‍♂️ 36 km
📈 3 024 m d+
📉 3 945 m d-

Vendredi 15 juillet. Réveil 4h30, on plie bagage, rapide petit dej pour certains, quelques minutes de sommeil en plus pour d’autres et le top départ est donné pour une nouvelle longue journée. On a en tête deux possibilités : arriver à temps pour dormir au gîte à École et être certains d’avoir de l’eau, bien manger ET UNE DOUCHE ou dormir comme prévu initialement sous la dent d’Arclusaz à côté/dans une cabane où il est censé y avoir une source. 

Mais commençons d’abord par atteindre nos deux premiers sommets : Tré le Mollard (2 035 m) et le mont de la Coche (2 070 m). On profite de cette montée à la fraîche, gratifiés d’un levé de soleil imprenable sur les Bauges et tous ses sommets. Après dix bonnes minutes nous permettant d’apprécier et de savourer ce moment magique au sommet du mont de la Coche, nous entamons une descente de chamois tout azimut, dré dans l’pentu, pour rejoindre la route forestière contrebas.

Ça glisse bien comme il faut, ça chauffe bien les cuissots, tout ce qu’on aime pour entamer cette nouvelle journée. 

Une fois la route récupérée, la cadence s’accélère pour ne pas monter au mont Pécloz (2 197 m) en plein soleil. Aubin et Sacha, les deux pacers de montée devant, donnent le rythme. La montée : 1400m d+ sur moins de 4km, fait des victimes : Paul et Florian ralentissent la cadence en sachant que la journée n’est qu’à ses débuts, ce n'est clairement pas le moment de se cramer. 

11h, certains estomacs commencent à se faire entendre. Moment fatidique, la décision est prise : objectif gîte ce soir ! Les gérants ont l'extrême gentillesse de nous rajouter au repas du soir, gentillesse qu’il faudra honorer en étant à l’heure ! Une petite sieste de vingt minutes au soleil et l’après midi commence. Elle devrait être plus simple avec une longue crête/arête à suivre jusqu’au Grand Parra avant une dernière descente & montée pour la dent D’Arclusaz.

Rapide passage au mont d’Armenaz (2 158 m) : une des chances de cette aventure est de pouvoir voir les sommets sous toutes leurs faces, d’observer les différences géologiques, la faune et la flore de chacune d’elle. La face Est du Pécloz en est un merveilleux exemple : une face verticale avec un calcaire magnifique qui contraste drastiquement avec sa face Ouest - celle qu’on a montée - jonchée de pentes herbeuses et de nombreuses marmottes.

De cette aventure nous retiendrons les sections sur les crêtes. Pouvoir marcher et longer le fil de la montagne pendant des kilomètres, apprécier les paysages de part et d'autre de celle-ci, sentir le vide omniprésent et savoir qu’aucune chute n’est autorisée. Une sensation difficile à exprimer mais tellement satisfaisante ! C’est sur ces crêtes que nous atteindrons nos prochains sommets : la pointe des Arces (2 076 m), sa voisine la pointe des Arlicots (2 060 m) et pour finir le Grand Parra (2 012 m)


Ce dernier est semble-t-il le moins fait des 14 sommets car accessible uniquement par cette fameuse crête autant pour l’aller que pour le retour. Nous comprendrons vite pourquoi. En avançant petit à petit sur cette crête. Plus impressionnante que réellement dure, elle demande une progression bien plus lente et précise afin d’éviter tout accident. Aussi belles que friables, on passe délicatement, une à une, chacune des montées puis descente qui nous amène petit à petit à ce fameux sommet. 

Demi tour ? Non, bien sûr que non. Sur les différentes traces GPX des traileurs qui se sont mesurés au 14 sommets des Bauges, certains avaient trouvé une descente. Descente qui s’est avéré être une pente herbeuse, “praticable” qui descendait dré dans l’pentu directement jusqu’à la bergerie sous la dent d’Arclusaz et ce en 1,3km et 600m d-. Sur le papier, c’était raide, très raide. En arrivant devant, c'était encore plus raide. Bâtons en avant, nous voilà lancés dans cette descente infernale et interminable.

40 minutes plus tard nous atteignons le bas, en se demandant sérieusement quel temps avait fait Aurélien Dunand-Pallaz (détenteur du record des 14 x 2000) sur cette descente… En rentrant on a regardé son GPX, et c’est quelque chose comme 13 minutes…🤯

L’eau commençant à se faire rare et notre seul espoir d’avoir de l’eau avant la fin de la journée s’est anéanti en arrivant à la bergerie : “aucune source ne coule plus ici depuis un moment”. Bien heureusement le karma était avec nous et il leur restait 4 bouteilles d'eau et quelques canettes sur place que nous avons dévaliser : 1L chacun, 600md+ 14km, plus que 3h (repas refuge oblige), voilà de quoi serait fait cette fin de journée.

Paul ne se remet pas de cette pente herbeuse dont il se souviendra longtemps, un véritable enfer comme on l’entendra répéter jusqu’au dernier jour. Trêve de papote, canettes vidées, corps réhydratées et camel back remplis, on part à l’assaut de ce dernier sommet du jour : la dent d’Arclusaz. Facile sur le papier, la montée s’avérera très longue et fastidieuse non pas par sa raideur (pour une fois) mais car il nous est impossible de trouver un quelconque sentier pourtant marqué sur toutes les cartes. C’est donc à travers les ronces, fougères et autres plantes que notre chemin se tracera. Pablo passe devant et s’occupe de faire la trace tant bien que mal pour le bonheur de tous. Ce n’est qu’à quelques centaines de mètres du sommet qu’on retrouve un sentier très bien marqué qui semble montrer que la montée était en réalité, une fois de plus, dré dans l’pentu, sans aucun lacet… L’arrivée au sommet marque notre 12ème sommet sur les 14. Nous avons du mal à se rendre compte que bien plus de la moitié est derrière nous. Et pourtant, les deux derniers, bien que peu techniques, sont éprouvants car espacés l’un de l’autre.

C’est ici qu’Aubin nous quitte pour avoir le temps de rejoindre Épernay en courant puis le col de Leschaux en stop de sorte à être à l’heure pour l’apéro chez lui.


Pressé par le temps pour arriver à l’heure au gîte, la descente est bien rythmée sur le sentier, très bien tracé cette fois, et nous amène au-dessus Épernay. Nous croisons la cabane devant laquelle nous devions dormir, un faible filet d’eau coule, on aurait pu y manger et y dormir mais le rêve devenu presque réalité d’une douche et d’un bon repas nous empêche de traîner plus longtemps ici, les flasques sont remplies et c’est reparti !

Objectif : finir le plus vite possible. Le rythme reste soutenu même après cette longue journée. Après 3km de route goudronnée, et au total 15h depuis notre départ ce matin, on se retrouve devant le gîte des Landagnes avec un sourire jusqu’aux oreilles. On ne traîne pas, le repas est déjà servi et on n’attend plus que nous !

Le bonheur ! Le repas est incroyable, les hôtes et autres résidents autour de la table sont super sympa et nous savourons ce moment tant attendu tous ensemble. Après une douche froide revigorante, nous rejoignons notre tiny house, et c’est avec un coucher de soleil sur notre prochain objectif : le mont Trélod et sur un vrai matelas qu’on va rapidement se coucher. 


Partis pour boucler cette bambée en 4 jours, demain sera finalement le dernier jour ! Nous allons regrouper J3 et J4 pour revenir dormir dans au gîte des Landagnes le lendemain. On a ouï dire que c’était la fête au village demain et qu’un des plus beaux feu d’artifice des Bauges y était tiré, on ne pouvait pas rater ça. Oublié la boucle retour jusqu’à Faverges à pied mais les 14 x 2000 seront tout de même atteints !

 
 

Jour 3 × 14/14

⏱ 10h10
🏃🏻‍♂️ 40 km
📈 2 946 m d+
📉 2 966 m d-

Samedi 16 juillet. Rebelotte, réveil 5h. Le petit déjeuner, copieux et tellement bon, est vite avalé. Le plein d’eau fait, nous voilà parti à l’assaut du mont Trélod, avant dernier sommet de notre aventure. Une belle portion de route nous sépare du début des chemins menant au sommet. Nous apprécions néanmoins la fraîcheur du matin qui nous permet de ne pas fondre sur cet asphalte interminable. Ce n’est que 6km plus tard que le premier chemin débute et nous commençons déjà à redouter la descente tout à l’heure en plein soleil. La montée est, comme partout dans ce massif, très efficace. On avale sans aucun répit le dénivelé nous séparant du sommet. Après avoir franchi la fameuse cascade, dont tout le monde nous a parlé hier soir à table, malheureusement déjà à sec (...), nous arrivons sur les hauteurs du Trélod, juste au-dessus de la majestueuse barre rocheuse que l’on apercevait hier depuis notre tiny. Une fois la barre franchie, on observe une tout autre flore composée de nombreuses fleurs et herbes hautes qui semble déconnectée de la réalité.

Rapidement on se retrouve à compter les chamois se baladant de vire en vire le long des falaises : nous sommes chez eux et ça fait plaisir à voir. On se perd à les observer vagabonder, monter et descendre à des vitesses inimaginables des pentes herbeuses bien plus raides que notre fameuse de la veille.

Après quelques passages où on pose les mains, le sommet se dessine et nous arrivons au mont Trélod 13ème et avant dernier sommet. Cela fait 4 mois que nous parlons de ce projet, de cette idée de faire ces 14 sommets, que nous préparons plus ou moins bien la logistique, le tracé, etc. et nous touchons le but, plus qu’un et notre objectif sera atteint. On l’observe, ce mont Colombier, le dernier de cette série, on s’imagine chacun notre tour là haut, dans quelques heures, soulagé mais aussi peut être un peu vide d’avoir terminé.

Rapidement rappelé à l’ordre par la chaleur, on s’attelle à la descente dans l’idée de profiter de l’ombre de la face Ouest le plus longtemps possible. Sous la dent des Portes, serpente un sentier qui nous amènera directement au parking des Cornes. Et là, l’enfer commence. 8km de route goudronnée et aucune ombre. Les chaussures sont douloureuses, les jambes tirent, aucun de nous n’y échappe. C’est dans les plaintes et râlements de chacun qu’on traîne la patte jusqu’à École où la sieste nous attend. Tellement content d’arriver au but, on dévore rapidement un encas acheté à l’épicerie du coin et on part pour une sieste avant la deuxième partie de la journée. C’est la dernière. La dernière montée de cette aventure, 1500m nous séparent du mont Colombier et ils ne vont pas être donnés.

Pour changer, on commence à être habitué, la montée c’est genoux dans le menton et on pousse ! Ce dernier ne se laissera pas avoir et nous réserve un finish des plus solides : une montée 400m d+ sur 900m. 

Nous y voilà, c’est terminé. Le projet est réussi. 14/14. Repos. On se félicite tous de cette réussite et on savoure. Dernière descente et après on remballe les chaussures. Celle-ci est vite avalée avec en tête la récompense à l’arrivée : un bon repas, une bonne bière et, on l’espère, un beau feu d’artifice ! Place à la récup’.

 
 

Avec l’alerte canicule et les risques d’incendie, le feu d’artifice ne sera malheureusement pas tiré… On vous avoue qu’on ne sait même pas si on aurait pu rester éveillé jusqu’à qu’il le soit. 🙄

Jour 4 × en mode pekin express

Dimanche 17 juillet. L’aventure se transforme en course en stop avec pour objectif d’être le premier binôme arrivé à Faverges. À ce jeu, c’est Pablo et Sacha qui l’emportent avec une belle avance devant Flo et Paul restés bloqués un bon moment au bord du lac où aucun touriste ne daignait les prendre.


Une première expérience pour Flo et Paul sur ce genre de format qui n’ont hâte que de recommencer et (re)découvrir de nouveaux endroits ! Traversée de Belledonne ? Tour du Vercors ? Petite Trotte à Léon ? Qui sait de quoi seront faites les nouvelles aventures ! Cette aventure nous aura quand même rappelé et montré les conséquences du changement climatiques. Début Juillet, quasi aucune des 6 sources que nous avons croisé coulaient, des températures approchant des 30° à 1700m,

 

À ce jour, on ne comprend toujours pas comment Aurélien Dunand-Pallaz a pu mettre 14h26 pour réaliser ces 14 sommets. La technicité et l’exposition de certaines sections du parcours, notamment la crète des Arces au Grand Parra et cette fameuse pente herbeuse, rendent le record encore plus impressionnant et inimaginable qu’il ne l’était déjà. Gros gros big up à toi Aurélien pour ce record 👏👏


©Photos : Sacha Liguori, Aubin Le Roux, Pablo Rochas, Florian Garibal, Paul Larato

 
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