Une histoire guidée par la passion… depuis 1934 !


English spoken

× 1934 : Naissance de l’enseigne Snell

La vente et la location d’articles de sport prenant une part de plus en plus importante, Marthe et Harold décident de monter les antiquités au premier étage afin de réserver le « pignon sur rue » aux articles de sports dont va s’occuper Harold. Il reçoit les grands alpinistes, papote dans un français épouvantable avec Frison Roche ou les varappeurs du GDB, le fameux groupe de Bleau (comme Fontainebleau) qui s’installe à Chamonix pour l’été. Cette année-là, on ne cesse de commenter l’incroyable survie de Guy Labour, qui a passé huit jours au fond d’une crevasse dans le glacier des Nantillons) et on parle encore du «suicide» de Stavisky, l’escroc international tombé à Chamonix en janvier dernier... Les journalistes anglophones se retrouvent chez Harold. La rue Nationale est devenue la rue Paccard depuis deux ans. Effacé de l’histoire officielle pour de tristes raisons « médiatiques», le docteur Paccard, compagnon de Jacques Balmat lors de la première ascension du mont Blanc en 1786, a enfin été réhabilité. Cette année-là, Harold et Marthe imposent eux aussi leur nom... Alors que Les Armes de Savoie déménagent au sommet de la Rue Vallot (à l’emplacement actuel de ce qui sera Otavalo, puis maintenant Icebreaker) le magasin de la rue Paccard accroche l’enseigne Snell, articles de sport.

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On y trouve toutes les inventions récentes : les pitons à glace (inventés par Welzenbach, de simples lames métalliques qui pénètrent la glace, en étant frappées à l’aide du marteau) et des crampons 12 pointes (en 1932, Laurent Grivel à Courmayeur, en ajoutant des pointes avant aux crampons Eckenstein, a révolutionné la technique de l’escalade glaciaire), la semelle Vibram n’a que trois ans et Pierre Allain, pionnier de l’escalade moderne, planche déjà sur ses PA (les chaussons d’escalade, encore réservés à l’escalade des blocs de Fontainebleau...) et sur ses mousquetons légers, en alliage d’aluminium...

L’année suivante, durant la première ascension de la face nord des Drus, Pierre Allain franchit avec quatre pitons la fameuse fissure à laquelle il va donner son nom, et qui va être longtemps considérée comme le passage d'escalade le plus difficile des Alpes occidentales. C’est le premier exemple d'un sixième degré, dans le massif du Mont Blanc.


× 1968 : Révolution et grand déménagement

Le monde est en sens dessus dessous... les Etats-Unis connaissent un année plus que turbulente, la France a eu ses deuxièmes J.O d’hiver et Killy est triple champion. Une révolution a eu lieu en mai.

Grâce au tunnel inauguré trois ans plus tôt, une belle route monte à Chamonix, qui n’est plus un cul de sac. Le tourisme redouble.

Si ce n’est pas pour les montagnes que les hippies font route en masse vers Katmandou, Chamonix a son célèbre beatnick des cimes, l’américain Gary Hemming, auteur de la première de la face sud du Fou trois ans auparavant... Il est beau, hyper doué et très médiatisé. Louis Janin, patron de l’hôtel de Paris, loue ses chambres pour trois fois rien aux grimpeurs sans guide qui, français ou étrangers, n’ont pas un franc (dollar ou penny) en poche. Mrs Robinson passe en boucle sur le jukebox du Nash Bar (le National), où se retrouvent tous les English speakers. Chez Snell, Donald, déjà quadragénaire, a repris la boutique depuis longtemps, et, s’il corde les raquettes de tennis et prépare les skis, il joue très souvent l’interprète dans les conversations entre grimpeurs anglo et francophones, ravi que ses parents l’aient élevé en anglais... Il connaît toutes les grandes figures de l’alpinisme anglo-saxon, les “Brits’ “: Doug Scott, Chris Bonnington ou Mike Burke, Royal Robbins ou les autres américains de l’International School for Mountaineering fondée par John Harlin, à Leysin, en Suisse.

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Bien sûr, les Français Paragot, Berardini, Desmaison, Herzog sont des familiers, et Rébuffat son ami. Discret, cultivé, Donald est apprécié de tous : il n’entre jamais dans les polémiques s’il y en a, se garde bien de demander des nouvelles des épouses... “ Parce que ça changeait assez souvent “, se souvient Yvette, par ailleurs encore « traumatisée » d’avoir vu son beau-père Harold faire essayer des chaussures au roi des Belges, cigarette au bec ! La montagne ne fait pas de différences... Donald et sa femme Yvette, originaire d’Angoulême, rencontrée dans une sortie en montagne, ont déjà quatre enfants. Mais pas question pour Yvette d’être une housewife. Elle travaille dur aux côtés de son mari, s’occupe du « textile» et des comptes... Elle s’inquiète plus que lui des lourdes échéances, négocie avec les banquiers...

Surtout cette année-là, 1968, car la grande révolution chez Snell, c’est le déménagement.

Le ski s’est démocratisé. Les Grands-Montets (ouverts depuis 1963) se sont taillés une réputation internationale, le GR5 et son “tour du Mont Blanc” commencent à attirer du monde, de belles et grandes premières restent à réaliser en altitude, les hivernales sont à la mode, et l’heure de l’escalade libre s’annonce. Donald a créé le catalogue Snell, qu’il envoie chaque année aux quatre coins de la planète. Il est temps de s’agrandir, il faut prendre des risques et investir pour, d’abord.... traverser la rue !